Dossier : Le chant à Saint-Dominique

« Qui bien chante prie deux fois » disait saint Augustin. Nous prenons cette exhortation au sérieux dans notre groupe scolaire. Dès le primaire, les élèves apprennent à chanter en classe.

Ils sont progressivement initiés au chant liturgique par excellence : le chant grégorien. Ils apprennent également des cantiques traditionnels et des chants populaires.

Dans le secondaire, nous offrons la chance aux élèves de participer à plusieurs chorales : trois grégoriennes, quatre petits chœurs polyphoniques ; et bien entendu nos deux désormais célèbres manécanteries.

Chaque semaine, huit messes chantées sont célébrées dans nos chapelles. Pour accompagner les chants, un professeur et plusieurs élèves se relayent à l’orgue ce qui nous donne la joie d’entendre de magnifiques pièces du répertoire chrétien. D’autres instruments, tel le violon viennent parfois agrémenter les offices.

Deux professeurs de chant dispensent des cours à nos élèves pendant le temps scolaire, au collège notamment. Ce sont les chefs de chœur des Petits chanteurs de Saint-Dominique et de l’Ensemble Kaïre Maria, respectivement chœurs de garçons et de jeunes filles. Grâce à leur magnifique travail, l’enrichissement est réciproque. Voir encadrés.

Pourquoi consacrer une place de choix au chant sacré dans notre cursus scolaire ? Tout simplement parce que le chant a toujours joué un rôle important dans la vie de l’Eglise. Le pape saint Pie X avouait dans son motu proprio du 22 novembre 1903, que parmi ses préoccupations pastorales, « une des principales est sans nul doute de maintenir et de promouvoir la dignité de la maison de Dieu ». Ainsi, continuait-il, « rien ne doit se présenter dans le temple qui trouble ou même seulement diminue la piété et la dévotion des fidèles ». À ce sujet, le pape évoquait la très grande importance de la musique sacrée, souvent objet de dérives ; il manifestait sa volonté qu’un soin particulier soit appliqué à l’exécution du chant liturgique en édictant des règles précises en ce domaine (Motu proprio Tra le Sollecitudini).

Cette préoccupation n’est pas nouvelle dans la vie de l’Eglise, déjà saint Ambroise, en bon administrateur de son diocèse, avait rigoureusement réglé le chant liturgique comme le rapporte saint Augustin dans ses Confessions (livre IX). Ce souci, la sainte Eglise la reçu de Dieu lui-même, preuve en est dans la Sainte Ecriture où se trouvent des recueils de chant, les Psaumes, mais aussi d’autres chants plus courts tels le cantique de Moïse (Ex 15,1-18) ou d’Israël (Nb 21,17 -18). Certains textes du Nouveau Testament expriment aussi l’adoration du Dieu créateur et rédempteur au travers de chants. Le dernier livre de l’Apocalypse, nous fait méditer sur les chants de la cour céleste.
Le chant fait donc partie intégrante de la vie liturgique. Le peuple d’Israël avait ses chanteurs (2 Chr 5,11-13 ; Esd 2,65). Leurs noms sont mentionnés juste après ceux des prêtres (1 Chr 25). Et l’apôtre saint Paul exhorte les chrétiens à manifester leur dévotion par le chant : « Que vos cœurs, dit-il aux colossiens, s’épanchent vers Dieu en chants, par des psaumes, par des hymnes, par des cantiques spirituels. »(Col 3,16).

Le chant et l’unité

Le chant tient une place importante car elle est aussi une source d’unité en même temps qu’une expression d’unité des fidèles, une certaine manifestation de la communion des saints. Tous nos élèves peuvent participer aux chants, dire les mêmes paroles ensemble et au même rythme. Bref, se mettre au diapason. Et si chaque voix a quelque chose d’unique et peut parfois chanter des notes différentes – la polyphonie – nous harmonisons les différences. Cette unité du chant a aussi une valeur apostolique. Pie XI le remarquait dans la bulle Divini Cultus (20 décembre 1928) : « Les chants liturgiques contribuèrent à faire qu’un grand nombre de barbares embrassassent le christianisme et notre civilisation, comme l’enseigne l’histoire. […] C’est ainsi que l’empereur Valentin, arien, resta saisi devant la beauté des saints mystères célébrés par saint Basile ; et à Milan, les hérétiques accusaient saint Ambroise d’ensorceler la foule avec les chants liturgiques, ces mêmes chants qui touchèrent saint Augustin au point de le pousser à embrasser la vraie foi. »

Le chant est une école de formation

Le chant est une école de rigueur et de précision ; il est également un moyen de nous encourager mutuellement. Les paroles des chants nous édifient, nous enseignent, nous forment. Il est facile de mémoriser les paroles d’un chant, car la musique qui l’accompagne aide à le faire. Le chant permet aussi une authentique participation, active et fructueuse, des fidèles telle que l’ont réclamée les souverains pontifes : « De fait, il convient absolument que les fidèles n’assistent pas aux fonctions sacrées comme des étrangers ou des spectateurs muets, mais vraiment pénétrés de la beauté de la liturgie, qu’ils participent aux cérémonies sacrées de façon à alterner leur chant avec celui de prêtre et du chœur. » (Pie XI, Divini Cultus)

Le chant est une prière

Le chant sacré, comme partie intégrante de la sainte liturgie, est une prière : il appartient même à la plus auguste des prières, la prière publique et solennelle de l’Eglise. De ce fait, il participe « à la gloire de Dieu, la sanctification et l’édification des fidèles. Il concourt à accroître la dignité et l’éclat des cérémonies ecclésiastiques. » Rien n’est trop beau pour Dieu, cela préoccupait le curé d’Ars, la musique sacrée non plus n’est jamais assez belle pour conduire nos âmes à Dieu, mais surtout pour en manifester l’excellence. Dieu est bon et beau et même excellent : la musique sacrée, comme un reflet des perfections divines, doit l’être aussi.

De plus, le chant favorise la prière. Dans la somme théologique, saint Thomas rappelle « la nécessité de la louange vocale pour entraîner le cœur humain vers Dieu. » Il conclut donc que « tout ce qui peut contribuer à ce résultat aura donc sa place dans la louange divine. » C’est pour cela que « l’on a décidé de façon salutaire d’employer des chants dans la louange divine, pour exciter plus de dévotion dans les cœurs tièdes. » (IIa IIae, q. 91, art. 2)

Lorsque la musique du chant est bien en place, elle aide en effet à focaliser toute notre attention sur Dieu et sur les paroles que nous lui adressons. Mais il y a ici un risque ; c’est que le chant devienne comme un écran entre Dieu et nous, cela ce produit quand il est influencé par l’esprit « profane et théâtral », selon la remarque de saint Pie X : nous nous méfions donc d’une mode trop répandue qui privilégie les chants à la sensiblerie exacerbée. Nous préférons privilégier le chant grégorien, « le chant propre de l’Église romaine » et les chants du répertoire classique, plus exigeants à apprendre, mais qui enseignentà nos élèves l’effacement de la créature et l’orientent vers le Créateur. L’œuvre est de taille et l’objectif bien haut, mais cela doit nous stimuler à rechercher en ce domaine une certaine excellence à la plus grande gloire de Dieu : « Quel bonheur… de chanter pour vous, Dieu très-haut ! » (Ps 92,2).

Seraphim

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