Projection et étude d’un document cinématographique contemporain

Ce vidéogramme est sorti il y a de cela quelques années en France, premier film à paraître en 3D (trois dimensions). Il s’agissait du film « Avatar » ; dans le cadre du Cinéclub de l’établissement, les élèves du Lycée ont assisté à une conférence sur ce Film et son message, donnée par Mr François-Xavier Bellamy agrégé de Philosophie et combinant l’enseignement de cette matière avec le poste de maire adjoint de Versailles. 

Le cadre du film appartient à la science-fiction ; un puissant trust financier d’origine terrestre a établi des sites d’extraction de minerai précieux sur la lointaine planète Pandora. Ces exploitations commerciales sont protégées par une véritable armée de mercenaires attirés par l’appât du gain, et disposant d’un formidable arsenal technologique et militaire. Ils sont dirigés par un tyrannique « colonel ». Mais la planète est habité par des tribus humanoïdes à l’état primitif, les Na’vis; ceux-ci représentent une gêne pour la Compagnie car ils vivent précisément au dessus des gisements de minerai les plus importants. A la faveur d’un programme d’échange avec les Na’vis, Jake Sully doit parvenir à gagner leur confiance en se faisant passer pour l’un des leurs par le « pilotage » d’un corps similaire à ceux des Na’vis, son « avatar ». Admirant leur rapport désintéressé à la vie, leur lien fort avec la Nature extraordinaire de la planète, et surtout leur bonheur fait de joies simples, Jake en vient peu à peu à renier ses semblables qui accumulent exaction sur exaction contre les indigènes. Il prend peu à peu le parti des Na’vis, avec lesquels il finira par détruire les humains, alors qu’ils tentaient d’éradiquer les Na’vis pour des motifs commerciaux. Le film se terminealors que Jake prend définitivement possession de son corps de Na’vi, sous l’égide de leur déesse-nature Eïowa.

            Mr Bellamy a commencé par débattre avec les élèves sur le message de ce film prônant les « valeurs » de notre civilisation actuelle. En utilisant différent outils comme le rapport à l’ouïe et à la vue, le cinéaste nous fait passer une idée : D’un côté, nous avons les « bons » Na’vis, simples et désintéressés, qui ne connaissent pas le Mal. De l’autre, nous avons les Humains, qui, incapables de vivre en harmonie avec la Nature, cherchent sans cesse à la dominer par la technique. Pour Mr Bellamy, la technique est vue ici comme mauvaise en soi. Symbolisée tout au long du film par le Feu, allumé par réflexe par Jake Sully lorsqu’il se retrouve seul dans la forêt et que les hommes utilisent au cours de l’histoire pour détruire le monde des Na’vis et faisant exploser les arbres géants et en brûlant la Forêt. Cette technique est vue comme étant ce qui pervertit l’homme et l’éloigne de la nature, tout en le rendant insatiable et perpétuellement insatisfait. A l’opposé, le peuple Na’vi fait figure d’Adam et Eve avant la Chute : En communion avec la Nature qui leur donne tout parce qu’ils ne lui prennent rien, ils sont parfaitement heureux car ils n’ont pas de désirs. En cela, le message du film rejoint le mythe du « bon sauvage » développé par Rousseau : « L’homme est naturellement bon, c’est la société (ici, la technique) qui le pervertit. ». Le film nous dit de fait que si le hommes sont  méchants, cupides, et malheureux comme ont le voit au long de l’histoire ou tous sont dans ce cas (à part Jake Sully et trois de ses amis), c’est parce qu’ils sont coupés du réel et que c’est de fait leur civilisation –la nôtre !- qui les a perverti. Pour devenir un Na’vi et apprendre à être à l’écoute de la Nature, Jake devra désapprendre tout ce qu’il a appris dans la société au cours d’initiations successives. Ce film révèle un mal être dans la vision que nos civilisations occidentales (Europe et Etats-Unis) ont sur elles-mêmes ; en effet, cette vision déchristianisée es profondément pessimiste et surtout elle ne croit pas en l’Homme. Le film a quelque chose de pervers dans le sens ou il voudrait nous faire croire d’abord que nous n’avons pas besoin de Dieu pour être des Saints : Il suffirait de retourner à la Nature et d’agir comme les Na’vis qui sont tout compte fait un peuple de saints sans véritable Dieu (leur déesse n’étant en réalité qu’une déification de la Nature) et sans aucune idée de médiation entre la « déesse » et eux, sans transcendance. De plus, même d’un point de vue strictement humain, le message porté par le film sous incite en fait à renier notre nature profonde et à cesser d’être des Hommes pour devenir des sortes d’animaux, car c’est bien là que l’on veut nous emmener : Toute forme de technique éliminée, c’est ce que l’homme devient, et c’est à peu près dans cet état que l’on a retrouve des « enfants sauvages » qui, perdus dans la nature leur petite enfance avaient survécu comme des bêtes.

« -Pensez-vous vraiment que le réalisateur du film est pensé à tout cela (Rousseau, ect.) ?! N’a-t’il pas plutôt seulement voulu valoriser le rapport avec la Nature des peuplades primitives ? » La question est légitime et on est en droit de la poser, se dira-t-on.

«-Là est le drame- répond François-Xavier Bellamy. Je ne pense pas en effet que James Cameron aie réellement réfléchi à tout cela en profondeur, mais le pire est que le message soit là sans qu’il en ait conscience : Cela révèle que cette pensée « Rousseauiste » est réellement au cœur même de la mentalité contemporaine de nos civilisations occidentales. »

 Une critique complète et très éclairante, non seulement sur le film en lui-même, mais aussi sur les procédés utilisés pour faire passer des idées par un support vidéo. Mr Bellamy a sans doute changé dans le bon sens du terme la vision que nous avions, tant élèves que professeurs, du visionnage de ce type de films, au sujet desquels il est bon de savoir développer son esprit critique. A quand la prochaine ?

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